La mesure de la lumière appliquée à la photographie argentique
Que vous utilisiez l’argentique ou le numérique, la lumière reste la lumière. Sa mesure et l’exploitation qui en résulte sont les mêmes. Pourtant, il existe en argentique deux problèmes absents en numérique : soit une bonne partie du matériel photo n’est tout simplement pas pourvu de cellule soit celle ci existe, couplée à l’appareil, mais est ancienne et susceptible d’être mal réglée. Une bonne mesure de la lumière est pourtant fondamentale pour réussir ses photos. A plus forte raison quand, en argentique, on ne peut observer le résultat quelques secondes après la prise de vue elle-même.
Quel est le fonctionnement de la lumière ? Comment réaliser et interpréter une mesure simple ? Comment mesurer lorsque la météo devient nuageuse, que le soleil se couche et même que vous avez placé un filtre gradué sur votre appareil ? Cet article est là pour compiler différentes sources propres à faire progresser les « argenteux », le tout adossé à des essais que j’ai pu faire au cours de mes voyages et qui m’ont amené de nombreuses fois à m’interroger sur la qualité de ma mesure de lumière.
ASPECTS TECHNIQUES
Notions de base :
Au risque d’enfoncer des portes ouvertes : en photographie, l’exposition dépend de trois facteurs :
La sensibilité à la lumière de votre “surface sensible” (capteur ou film)
L'ouverture du diaphragme de votre objectif (donnée par un chiffre “F/xx”)
La vitesse de déclenchement de l’appareil (couramment, de 1/2000s à 30s mais peut être réduit de 1/500s à 1s sur les boitiers purement mécaniques)
Ces facteurs se composent d’une suite de valeurs qui ont une particularité : le saut d’une valeur à une autre en + ou en – implique une multiplication ou une division par 2 de la quantité de lumière reçue par la surface sensible. De F/5.6 à F/8, vous divisez par deux la quantité de lumière perçue en fermant d’une valeur supplémentaire votre diaphragme. De 1/250 à 1/125, vous multipliez par deux la quantité de lumière perçue en multipliant par deux la durée d’exposition de votre surface sensible.
Le juste équilibre de ces trois facteurs permet une bonne exposition. Si la sensibilité est trop élevée pour le couple diaphragme/vitesse choisi, la photo sera trop claire. Si la vitesse est trop élevée pour l’ouverture et la sensibilité, la photo sera trop sombre.
Pour bien paramétrer son appareil photo, la mesure de la lumière et sa traduction en réglages est nécessaire. C’est le rôle du posemètre. Celui-ci est pourvu d’une cellule sensible à la lumière. Elle la capte et la convertit en un signal électrique. Le posemètre peut être intégré et couplé à votre appareil, ou non. Dans ce deuxième cas, le posemètre est aussi couramment appelé “cellule à main”, les deux termes cohabitent aujourd’hui et définissent le même objet.
L’albedo et le gris à 18% :
Une des notions les plus fondamentales pour comprendre le fonctionnement de la lumière appliquée à la photographie est celle de l’albedo. L’albedo est la capacité de tout élément ou objet à réfléchir, renvoyer, une partie de la lumière qui lui parvient. Il s’exprime en théorie sur une échelle allant de 0 à 1 et plus couramment en %. A 0%, la réflexion est nulle et le sujet qui ne renvoie aucune lumière est absolument noir ; à 100%, la réflexion est totale et le sujet qui renvoie la totalité de la lumière est absolument blanc. Tout élément physique à un albedo dont la valeur varie en fonction de sa nature : un sol charbonneux ou volcanique noir renverra peu de lumière, même en plein soleil, alors qu’un paysage enneigé en renverra beaucoup, même sous un temps nuageux.
Dans le contexte du développement de la photographie, il a fallu trouver une norme permettant à tout appareil dédié de réaliser une mesure conservant un bon équilibre entre les tons clairs et les tons foncés perçus par l’œil. La société Kodak, en fonction des paysages qu’elle avait à proximité, a déterminé au moyen d’une courbe sur un nuancier qu’une luminance perçue de 50% correspondait à un albedo de 18% (0,18). Ainsi est né le « gris à 18% », paramètre de base de toute cellule jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit bien d’une norme créée de toute pièce et son application réelle varie imperceptiblement selon l’endroit où vous vous trouvez, mais pas de panique, vous pouvez l’appliquer sans arrière pensée.
En pratique, cela signifie qu’une photo sera perçue comme correctement exposée si la moyenne de la réflexion de tous les points constituant votre sujet se rapproche des 18%. La cellule de votre posemètre est là pour vous y aider. Elle a deux manières d’y parvenir : soit en mesurant la source de lumière soit en mesurant la lumière réfléchie par nos sujets…
Deux mesures : incidente ou réfléchie.
L’habitude des cellules intégrées aux boitiers numériques actuels nous font oublier que deux types de mesures coexistent toujours aujourd’hui. On parle de mesure de la « lumière incidente » (ou mesure incidente) ou de mesure de la « lumière réfléchie » (mesure réfléchie).
1 - La mesure de la lumière réfléchie est la plus connue. On mesure la lumière réfléchie par la scène photographiée depuis le lieu de prise de vue, soit avec l’appareil photo lui même au moyen de la cellule intégrée à celui ci soit avec un posemètre.
2 - La mesure de la lumière incidente est la mesure de la lumière à sa source, le soleil par exemple. On mesure la lumière émise par ce dernier sur le sujet à l’aide d’un posemètre indépendant de l’appareil photo. On protège alors la cellule à l’aide d’une demi sphère blanche. Deux “sous mesures” sont possibles : soit vous pointez la cellule directement vers le soleil et il s’agit d’une lecture du rapport d’éclairement (pour savoir quelle est strictement la quantité de lumière émise par la source), soit vous pointez la cellule vers l’appareil photo en la plaçant comme si elle était elle-même le sujet pour capter la même quantité de lumière que ce dernier. Nous verrons plus tard que ces deux sous-mesures peuvent s’avérer utiles.
mesures et angles de champs en lumière réfléchie :
Lorsqu’une cellule capte la lumière réfléchie, elle le fait selon un angle de champ prédéterminé. De la même façon que les objectifs, nos cellules ont un angle de champ. Sur les cellules à main, ils dépendent des choix faits par les constructeurs et varient selon les marques et les modèles. Sur les boitiers, cet angle peut (ou pas) être réglé pour couvrir tout ou partie de l’angle de champ de l’objectif fixé lui même devant l’appareil photo.
Plus l’angle est élevé, plus la cellule captera une lumière provenant de points différents et fera une “moyenne” de tout ce qu’elle perçoit. A l’inverse, plus la cellule est contrainte par un angle limité, plus elle pourra donner des mesures précises de zones bien identifiées. Certaines cellules à main sont même construites spécifiquement pour ça, on les appelle “spotmètres”.
Les posemètres classiques proposent des angles de champs de l’ordre de 40° à 30°, soit l’équivalent de focales de 50 à 85mm environ en 24x36.
Les spotmètres proposent des angles de champs de l’ordre de 7° à 1°, soit l’équivalent de focales de 300 à 2000mm environ en 24x36. Pour réaliser une mesure d’une telle précision, ces appareils sont dotés d’une optique dédiée vous permettant de pointer la zone à mesurer.
Si les spotmètres évolués permettent parfois au dôme de mesure incidente d’avoir plusieurs positions, la norme pour cette mesure reste une prise de lumière à 180°.
Quand la cellule est directement couplée à votre boitier, elle est contrainte de fournir directement un résultat exploitable. Vous lui avez fourni un impératif (p.ex. “j’ai une sensibilité de 400ISO”, ou “je veux photographier à F/2.8”) et elle adapte les autres données pour obtenir une exposition correcte au plus près des 18%. Les cellules à main peuvent également fonctionner de cette manière : vous leur donnez un impératif et elles font le reste. Mais découplées du boitier, elles peuvent également donner un résultat en EV ou IL.
Indice de lumination ou exposure value.
IL et EV signifient « Indice de Lumination » en Français ou « Exposure Value » en Anglais. Cette notion est aussi connue sous le nom de « stop » ou de de « crans » voir de “diaph/diaphragmes”. Tous ces termes désignent en pratique la même chose.
Ces IL ou EV expriment par un nombre une quantité de lumière, laquelle est ensuite modulée par une sensibilité ISO. Cette sorte de « clé » permet de déterminer l’ensemble des couples d’ouvertures et de temps de pose aboutissant à l’exposition correcte d’une photo. Le saut d’une valeur à une autre, comme pour nos trois facteurs de base, permet de diviser ou multiplier par deux la quantité de lumière reçue par la surface sensible.
Cette notion est importante car on ne l’utilise pas seulement pour mesurer la lumière. Pour toute correction d’exposition, c’est l’unité de mesure la plus simple à employer ! Ce n’est pas un hasard si même dans les boitiers numériques modernes, on vous propose encore de sous exposer ou sur-exposer d’1/3IL ou de 2IL par exemple.
La mesure de la lumière en IL peut être exploitée directement sur les objectifs ou un boitiers bénéficiant d’une bague de repérage dédiée. Tous n’en sont pas pourvus mais dès lors que vous avez la possibilité de vous en servir, (Hasselblad et Rollei le permettent) n’hésitez pas. Quand on en a pris l’habitude, l’IL est plus commode à employer qu’une proposition de réglages toute faite par la cellule.
Le tableau ci-contre reprends les intervalles courants entre deux réglages permettant de monter ou descendre d’un IL: On peut aussi jouer sur la bague de diaphragme pour obtenir des demi, tiers voir quarts d’IL. La sensibilité du film et les vitesses étant fixes, seule cette bague permet de vous approcher au plus près de votre mesure en la bougeant 1/2 voir d’1/4 de valeur en + ou en -.
Par exemple : Après avoir donné à ma cellule une sensibilité de 100ISO et réalisé une mesure, celle-ci me donne « 15 IL ». ce qui correspond par exemple aux réglages suivants à 1/500 à F:8, 1/2000 à F:4 ou 1/60 à F:22 ou à 1/125 à F:16. Tous ces réglages sont différents mais permettent de faire pénétrer dans l’appareil la même quantité de lumière en couplant diaphragme et vitesse.
Les IL ont longtemps servi de repérage empiriques pour faire des photos. On expliquait qu’avec une sensibilité de 100ISO, 15IL était le réglage du plein soleil, 12 pour le temps couvert, 9 pour l’intérieur etc… Si ces données peuvent vous sauver la mise - et se révéler assez efficaces - elles ne peuvent pas remplacer la mesure, en particulier si vous utilisez du film exigeant comme l’inversible.
Vous savez désormais ce qu’est l’albedo, vous connaissez les deux types de mesures, comprenez la notion d’angle de champ et celle d’IL. Maintenant, pratiquons !
par la pratique :
Les photos en exemple sont là pour présenter le résultat des méthodes utilisées. Elles sont post-traitées. Je n’utilise que la Provia 100F de Fuji, un film inversible très exigeant à la mesure. Cela me permet d’affirmer que si la méthode de mesure est bonne sur un film inversible, elle le sera forcément aussi sur un film négatif, par nature plus résiliant. Les scans ont été effectué sur Hasselblad Imacon X5, une nécessité pour bien rendre compte des qualités et limites de chaque démonstration.
Il est entendu que ces méthodes ne peuvent s’appliquer que pour du matériel dont les temps de déclenchement ont été vérifiés par des professionnels. Le matériel argentique, et tout particulièrement les boitiers mécaniques sont sujets au dérèglement. Du 1/500 espéré, vous pouvez assez vite pour retrouver à déclencher au 1/350 sans le vouloir/savoir par pure détente du mécanisme. Il ne sert à rien de faire des réglages ultra-précis si vous ne pouvez pas déclencher aux vitesses demandées.
J’ai décidé de ne pas écrire de paragraphe sur le choix d’une cellule car je n’ai pas les connaissances nécessaires pour juger du matériel de mesure. J’ai acheté il y a quelques années une cellule posemètre/flashmètre Sekonik L308S visible ci dessus dont je suis entièrement satisfait. Je ne peux que vous la recommander.
Rappelez vous qu’une cellule ne se limite pas à des valeurs entières. La 308S par exemple donne une précision d’1/10. De votre rigueur à suivre vos mesures dépendra l’exactitude de vos expositions, parfois au 1/2 voir au 1/4 de réglage près.
Mesure de lumière par beau temps :
Se passer de cellule : La règle du F16
Par un temps absolument clair, en milieu de journée et si vous photographiez un sujet bien éclairé par le soleil, vous pouvez exploiter la « règle du F16 ». Cette règle ne marche QU’AVEC CES CONDITIONS ! En réglant le diaphragme sur F/16, le temps de pose pour un sujet au soleil correctement exposé est égal à l'inverse de la sensibilité ISO du film.
Par exemple, avec un film de 100 ISO, le temps de pose doit être de 1/100 s. Dans les faits, les boitiers mécaniques déclenchant au 1/100 sont rares. On prendra par convention la vitesse de 1/125. La mesure dévie de 1/5IL en sous exposition, ce qui est tout à fait acceptable et sans réelle conséquences. Vous pouvez ensuite faire évoluer les réglages en modifiant le couple diaphragme de 15IL donné ci dessous.
Attention toutefois, la règle du F/16 ne fonctionne vraiment qu’avec un ciel absolument pur. En cas de doute sur la pollution atmosphérique et si vous employez du film inversible, enlevez 1/4 voir 1/2 IL pour être au plus près de la réalité… ou exploitez votre cellule !
Exploiter la cellule :
Le temps ensoleillé est la condition météo la plus simple à pratiquer. Mesurez la lumière réfléchie tout en gardant en tête que la mesure incidente est, en théorie du moins, la mesure la plus fiable. Ici, le spotmètre est un plus mais n’est pas absolument nécessaire. Un angle de champ large permet d’embrasser l’ensemble de l’environnement
Attention encore une fois à un paysage enneigé. La neige trompe la cellule en lumière réfléchie en renvoyant plus de lumière que la normale, il faut donc utiliser la mesure incidente (voir même la règle du F16 si les conditions sont réunies) pour ne pas produire une image sous exposée où la neige serait grise et le ciel bleu marine.
En photo dans l’espace urbain, on fera attention à une mesure qui tiendrait trop compte des ombres des bâtiments et susceptible de faire cramer les hautes lumières d’une photo. Un spotmètre, sans être indispensable, se révèle pratique.
Les lumières très verticales peuvent être piégeuses. Faites deux mesures incidentes : une classique vers le sujet puis une autre du rapport d’éclairement. observez vos résultats et pondérez en fonction de ce qui vous importe le plus : les hautes lumières seules ou du détail dans les ombres portées. En théorie, un soleil vertical signifie que la règle du F16 doit fonctionner. Si votre mesure diffère de beaucoup, il faut vous interroger et recommencer.
Mesurer la lumière au soleil levant/couchant
Lumière de dos ou de côté :
Utilisez, comme pour le plein soleil, la lumière incidente ou réfléchie. La présence de nuages noirs pouvant rendre aléatoire le résultat ave un posemètre, mesurez des deux façons et pondérez. Si vous utilisez un spotmètre, mesurez précisément la zone éclairée. N’oubliez pas qu’en cas de mesure de la lumière réfléchie, les rayons du soleil ne doivent pas toucher directement le capteur de la cellule au risque de fausser cette mesure. Si vous attendez un moment précis pour déclencher, pensez bien sûr à mettre à jour vos réglages en réalisant des mesures régulières. La lumière de fin de journée est une lumière délicate, faites en sorte que vos réglages soient précis. Si la cellule vous donne 12.3IL, soyez bien au plus près de cette mesure.
Soleil dans le cadre :
Ça se corse. Si vous dirigez le posemètre vers le soleil pour mesurer la lumière incidente, la cellule vous proposera un réglage trop clair puisqu’elle ne tient compte que de la lumière entrante et pas de celle réfléchie par votre scène. Si vous réalisez une mesure en lumière réfléchie, celle-ci sera bernée par l’intensité du soleil et vous proposera cette fois un réglage trop sombre voir même « pas de réglage du tout » tant elle percevra de lumière.
Dans un tel cas, l’idéal est de disposer d’un spotmètre vous permettant de mesurer exactement certaines zones bien exposées de la scène photographiée, vous épargnant le soleil ou les zones d’ombre. Nous sommes pourtant nombreux à ne disposer que d’un simple posemètre.
Je vous propose la méthode empirique suivante : il vous faut mesurer la scène en « lumière réfléchie » comme si vous vouliez réaliser une photo où le soleil serait tout juste à l’extérieur du cadre. Faites légèrement « pare soleil » avec votre main pour que la cellule ne soit pas directement exposée aux rayons lumineux. Si la méthode n’est pas « mathématique », elle a le mérite de fonctionner à tous les coups. Notez que si vous employez le film inversible, il n’y aura pas de miracle, vous ne pourrez pas avoir du détail à la fois dans le ciel et dans les ombres.
D’une manière générale et en cas de doute, la multiplication des mesures vous permettra de vous rapprocher de plus en plus de la valeur idéale. Plus la lumière est complexe, moins vous pourrez vous contenter d’une seule mesure pour garantir votre résultat.
mesurez la lumière pour exposer des silhouettes
Le fort contraste entre un ciel clair et un sol sombre guide la réalisation d’une silhouette ; la mesure réfléchie donne de bons résultats. N’oubliez tout de même pas que si le soleil est dans le cadre, il vous faudra en tenir compte comme dans le cas précédent.
Mesurer la lumière par temps couvert :
La couverture nuageuse ne permet pas d’utiliser la lumière incidente faute de source lumineuse claire. Vous devrez obligatoirement vous rabattre sur la mesure de la lumière réfléchie. Le risque est que la cellule soit bernée par un sol sombre et vous propose un réglage rendant le ciel complètement blanc et inversement. Plusieurs mesures peuvent là encore s’avérer nécessaires.
Sur un terrain à peu près dégagé, un posemètre avec son champ de 40° considèrera deux éléments : un ciel clair et/ou un sol relativement sombre. En milieu de journée, on note avec l’expérience que la différence entre la mesure du ciel et la mesure du sol est d’environ 3IL. Vous pouvez donc soustraire 3IL à la mesure du ciel pour obtenir un réglage fonctionnel. Cette méthode permet de conserver un tout petit peu de teinte dans le ciel tout en ayant le meilleur rendu possible du sol.
Par temps de neige, une seule mesure en lumière réfléchie risque d’amener le posemètre à vous proposer un réglage qui rendrait la neige grise et le ciel sombre. C’est la pire des configurations. L’un et l’autre, pour un bon rendu, doivent être surexposés d’au moins 2IL. Si vous en avez le temps, faites la mesure de l’un puis de l’autre. En soustrayant 3IL au ciel et 2IL à la neige, vos réglages doivent se rencontrer à 1/2IL près. Par exemple, si vous mesurez un ciel à environ 13IL et une neige à environ 12IL, c’est que le bon réglage doit s’approcher de 10IL.
Une autre solution – la meilleure – est de disposer d’une charte de gris en vente dans tout bon magasin photo. Elle est la représentation la plus exacte et calibrée du gris à 18% que votre cellule cherche à rejoindre. Avec une telle mire, impossible pour votre cellule de se tromper… son utilisation est simple : il faut tenir d’une main ou positionner la charte devant soi en l’orientant à 45°, à moitié vers le ciel, à moitié vers l’appareil. Mesurez la lumière réfléchie par cette mire avec la cellule pour avoir le résultat. Facile, rapide, efficace… et balaye tout empirisme.
Mesurer la lumière de nuit :
De nuit, il est déconseillé d’employer la mesure en lumière incidente car les réverbères sont rarement une source de lumière assez forte pour que le calcul fonctionne correctement. Mesurer la lumière réfléchie est la meilleure option. Attention aux sources de lumières parasites (autres réverbères éclairant votre cellule, phares de voitures orientés vers vous…) qui peuvent venir tromper votre cellule. Comme toujours, le spotmètre est précis mais un posemètre classique se tire très bien de ce problème.
EMPLOYER les filtres :
Vous pouvez choisir d’employer des filtres pour améliorer ou modifier l’aspect de vos photos. On connaît par exemple les filtres de couleur jaune ou rouge en photo monochrome pour renforcer les contrastes et la profondeur du ciel. Chaque filtre, selon sa nature, stoppera une partie de la lumière qui lui parvient.
La table ci-contre permet un comparatif des différentes valeurs de filtres couramment vendus dans le commerce. A chaque fois que vous employez un filtre, vous devez corriger votre exposition en fonction du type et de l’intensité du filtre employé. Si vous employez un filtre uniforme ND64 de 6IL et que votre mesure vous indique 14IL, vous devez réaliser une photo à 8IL pour qu’elle soit bien exposée.
Je vais essentiellement traiter des filtres dégradés car ce sont ceux que j’emploie le plus.
Filtres colorés :
Je ne les emploie pas - encore ? - mais leur intérêt ne se dément pas, en particulier en argentique où la prise de vue doit avoir l’aspect le plus définitif possible. On peut ici les séparer en deux catégories. Des filtres de caractérisation et des filtres de correction. Les premiers sont destinés à apporter une ambiance supplémentaire à la photo avec un film monochrome, les second à corriger une dérive des couleurs liées à une température de lumière différente de celle d’un film couleur.
filtres de “caractérisation” :
En vissant ces filtres à vos objectifs, ils vont isoler une partie du spectre lumineux et auront généralement pour effet d’assombrir et de contraster vos photos. Les plus grands classiques sont les filtres jaunes, oranges et rouges qui assombrissent fortement les cieux bleus et rendent beaucoup de contraste. Ils sont si fréquents à l’usage que certaines marques ont depuis longtemps proposé ces filtres à leur catalogue à l’instar de Rollei qui a proposé le filtre jaune pour l’ensemble de ses boitiers Rolleiflex quelques soient leurs baïonnettes.
Ces filtres se trouvent pour des sommes modiques soit en filtres ronds à monter sur vos objectifs (attention aux diamètres) soit en plaques.
Filtres de correction :
Ces filtres sont également des filtres colorés mais sont plus doux. Ils s’emploient pour la photographie couleur et sont là pour rattraper une dérive colorimétrique.
L’ensemble des films argentiques sont prévus pour une température de lumière prédéfinie et stricte. La Provia 100F de Fuji est une pellicule “daylight” (comprenez “lumière du jour”) prévue pour 5200°K. Or cette température évolue tant au cours de la journée (selon la météo ensoleillée ou couverte) qu’à la nuit tombée où les différents éclairages produisent également une lumière avec une température qui leur est propre. Il est donc pertinent de disposer de filtres permettant de réduire le delta entre la lumière réelle et la lumière pour laquelle le film est prévu.
On en trouve de trois types :
Les filtres chauffants permettent de rattraper une lumière trop froide comme c’est le cas par temps nuageux. Ces filtres peuvent aussi rehausser un coucher de soleil. Ils prennent le chiffre”81” assorti d’une lettre en fonction du niveau de correction. De A, la plus douce, jusqu’à F, la plus forte. Je n’ai effectué qu’un seul essai avec un filtre chauffant. Il s’agissait d’un filtre 81B, une valeur classique pour une légère correction d’un temps couvert en film inversible.
Les filtres refroidissants permettent de rattraper une lumière trop chaude. Ca peut être le cas d’une photo en intérieur où la lumière extérieure passe à travers de vitres teintées par exemple. Ils prennent le chiffre “80” assorti d’une lettre en fonction du niveau de correction. De A la plus douce, jusqu’à F, la plus forte une fois encore. Je ne les ai jamais employé.
Les filtres de correction de lumières artificielles permettent d’éviter les dérives colorimétriques jaunes ou vertes très prononcées en photo de nuit avec une éclairage artificiel. Ces filtres ne sont pas standardisés et leur référence varie selon les fabricants. Lee-filters les commercialise dans une catégorie “fluorescent”. Notez également que ces filtres ont globalement des teintes violettes et que de telles teintes peuvent être approchées en empilant des filtres chauffants et refroidissants ensemble. Seule l’expérience vous dira comment les combiner au mieux selon de profil de lumière que vous avez en face de vous
D’une façon générale, n’oubliez pas qu’un filtre coloré, même si ce n’est pas sa fonction première, absorbe une partie de la lumière et doit être compensé au moment de la prise de vue. Par exemple, un filtre 81B doit être compensé d’1/3 IL. Selon de film employé, ce détail peut avoir de l’importance.
Filtres de densité neutre :
Les filtres de densité neutre se séparent eux aussi en deux catégories : des filtres pleins et des filtres gradués/dégradés. Les premiers sont destinés à allonger les temps de pose.
Filtres ND, attention à la réciprocité :
Vous avez tous déjà vu des poses longues de jour où l’eau des rivières devient lisse et les nuages semblent filer à toute allure. Ces filtres souvent appelés classiquement “filtres ND” n’appellent à aucun commentaire sinon qu’il faut veiller la réciprocité des films lors de leur utilisation.
En argentique, la réaction du film à la lumière en cas de pose longue n’est pas linéaire et plus ces poses sont lentes plus la réciprocité du film vous imposera (de façon totalement contre-intuitive) de continuer votre exposition pour qu’elle soit bonne. Cette donnée ne s’invente pas et elle est généralement disponible sur les boites ou sites des fabricants des films. Eux seuls peuvent vous dire à partir de combien de temps de pose la réciprocité commence à s’appliquer et avec quel degré. Si la théorie d’une photo prise avec un filtre ND1000 vous fait approcher de 3 minutes de pose, méfiez vous, votre film a peut être besoin de près du double !
Le bonheur des filtres dégradés :
Vous l’avez compris à la lecture des méthodes de mesure de la lumière selon la météo, il peut y avoir des fois où les mesures par temps couvert sont cornéliennes tant il semble parfois impossible d’obtenir à la fois du détail dans le ciel et sur le sol. Les filtres dégradés sont là pour répondre à cette problématique. Ils vous permettent d’assombrir dès la prise de vue un ciel trop clair pour récupérer toujours plus de détail dans les zones sombres.
Ces filtres sont définis par leur densité : par exemple, 0,3 pour un filtre d’une densité d’1IL. Ils se décomposent en deux sous-catégories : “soft grade” pour une douce transition entre la partie sans correction et la partie corrigée du filtre et la catégorie “hard grade”, pour une transition plus nette. Le premier est utile en montagne là où le second sert facilement en plaine et en bord de mer.
Disponibles uniquement en plaques, ils sont adossés à un système de support qui se visse à l’objectif. Ils ne conviennent qu’aux boitiers mono-objectifs à visée directe. Au revoir télémétriques et autres bi-objectifs puisqu’il vous faut voir à travers l’objectif de prise de vue pour positionner judicieusement son filtre : ni trop haut au risque de ne pas corriger tout le ciel, ni trop bas au risque de corriger aussi une partie du sol. Notez, en ce qui concerne le moyen format, que “Lee filter” a réalisé des bagues d’adaptation pour son système 100mm correspondant aux objectifs Hasselblad série V. Ces bagues sont toujours au catalogue.
La mesure de la lumière est, elle aussi spécifique : après avoir mesuré la lumière au sol et celle au ciel, vous déterminez le delta de lumination qui sépare vous deux éléments. De ce delta, vous déterminez quel filtre gradué employer pour corriger votre ciel et le rapprocher de votre sol. Si le ciel est simplement un peu voilé, 1IL est suffisant. Si par contre votre ciel est pourri et votre sol sombre de surcroit, une correction de 2 voir 3IL sera plus judicieuse. Par exemple, si votre mesure vous donne 10IL au sol et 13IL au ciel, vous pouvez employer un filtre gradué de 2IL pour ramener le ciel à 11IL et déclencher à 9 ou10IL. Cela laissera du détail dans un ciel globalement clair mais agréable tout en révélant parfaitement votre sol.
Cet article touche à sa fin, j’espère que vous en savez un peu plus et que les exemples donnés auront enrichit vos méthodes de mesures de la lumière !
Des remarques, des suggestions, une réaction : écrivez-moi !
Merci à Henri Gaud pour la relecture rapide qu’il a fait de cet article lorsque je l’ai proposé sur le groupe FB de discussion autour de la photo argentique et qui a fait des remarques très intéressante sur le sujet du gris à 18%.
Liens et bibliographie :
La base, rien que la base, par André Mouton, sur galerie-photo
La mesure de la lumière, la théorie sur wikipedia
Des bases, encore des bases, par lense.fr
La mesure de la lumière en photographie dans un wikibook. Une mine
un certain JP donnant à lire un PDF riche en information techniques.
L'article Wikipedia sur l'Albedo